L’Orchestre National de Lyon, subjugué par Anu Tali, a atteint des sommets d’émotions
Lyon, Auditorium-Orchestre National de Lyon
Concert du samedi 15 novembre 2008, 18h
Six et six
Tüür, Symphonie n° 6, « Strata » (création française)
Tchaïkovski, Symphonie n° 6, en si mineur, op. 74, « Pathétique »
Orchestre national de Lyon
Anu Tali, direction
Si Jun Märkl, Directeur Musical de l’Orchestre National de Lyon, a remarqué et invité depuis deux saisons Anu Tali, jeune chef(e) d’orchestre venue d’Estonie, c’est qu’il a su déceler en elle ce don particulier qui brille de mille feux, déjà remarqué au Festival Berlioz 2008 et confirmé magistralement, hier à l’Auditorium. Anu Tali bouleverse désormais la hiérarchie de la direction d’orchestre, établie depuis des décennies. La référence n’est plus seulement, Abbado, Karajan, Rattle et bien d’autres, elle est aussi Tali, dont la force essentielle est la différence.
Si ce concert était sous le signe du chiffre « six », c’est simplement parce ce que deux « 6ème Symphonie » se partageaient le programme. La première (Tüür) en création française, se jouant de la juxtaposition du tonal et de l’atonal, conflit angoissant entre l’inconscient et le conscient, menant à la victoire chaotique et incertaine ce dernier, dans un foisonnement de sonorités éclatantes et de nuances extrêmes. La deuxième (Tchaïkovski) d’un romantisme exalté, se fondant dans la détresse intérieure d’un compositeur dépressif et malheureux renvoyant à la misère d’un peuple russe asservi et anéanti par le pouvoir absolu. Ces deux œuvres d’un caractère différent furent conduites avec une force et une puissance envoûtantes par une chef(e) qui, c’est le cas de le dire, n’eut pas froid aux yeux. Avec une indécente facilité, une énergie déconcertante, d’un geste tour à tour, large, caressant, enveloppant, dessinant phrasés et respirations, d’un corps sans cesse en mouvement, elle déploya cette énergie flamboyante, électrisant les musiciens qui, subjugués, purent tout à leur aise s’exprimer. Anu Tali a obtenu d’eux ce que peu réussissent, l’osmose complète entre les bois aux sonorités douces et larges, les cuivres clairs et puissants, les percussions précises et éclatantes et les cordes chatoyantes au velouté transparent. Sa direction, sans autorité apparente, laissa aux musiciens les moyens de s’exprimer, de développer leur sensibilité, qui, les mettant à l’aise, donnèrent le maximum de leurs immenses qualités en renvoyant à leur chef(e) la profondeur de ses moindres intentions, avec un talent insoupçonné. Elle a hissé l’Orchestre National de Lyon, au sommet de son art et en a fait un des meilleurs orchestres du moment. Le public ne s’y est pas trompé. Il a vibré des émotions qu’elle a su faire passer avec fougue et passion, et lui a dit son admiration par une ovation à la hauteur de sa prestation.
L’Orchestre National de Lyon et Anu Tali, un grand moment de musique qui sera difficile d’oublier. Anu Tali… Retenez bien ce nom !